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12/09/2018

S. Craig Zahler : Les Spectres de la terre brisée

S. Craig Zahler S. Craig Zahler, né en 1973 à Miami (Floride), est un romancier, novelliste, réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, compositeur et musicien américain (batteur et parolier d’un groupe de Heavy Metal) vivant aujourd’hui à New York. Auteur d’une poignée de bouquins, Les Spectres de la terre brisée (2013), second de ses romans, vient de paraître.

Mexique en 1902. Deux sœurs kidnappées aux Etats-Unis sont contraintes à la prostitution dans un bordel caché au cœur des montagnes. Leur père, John Lawrence Plugford, ancien chef de gang, entame une expédition punitive pour tenter de les sauver, accompagné de ses deux fils Brent et Stevie, d’un esclave affranchi Patch Up, d’un Indien as du tir à l’arc Deep Lakes et d’un tireur professionnel, Long Clay « un chacal à l’âme charbonneuse ayant un millier de dents acérées dans l’estomac ». Avec eux, un jeune dandy cultivé mais désargenté, Nathaniel Stromler, attiré par la promesse d’une rétribution pouvant le remettre à flot.

A lire ce résumé, vous pensez que c’est du déjà vu – c’est le problème avec les résumés. Mais vous savez aussi qu’une intrigue ne fait pas un roman, que tout est dans la manière de la traiter et/ou dans l’écriture. C’est là que je vous interdis de quitter ce billet avant d’être arrivés au bout !

Moi aussi au début, j’ai pensé me glisser dans un roman d’action classique, catégorie western, et les premières pages assez costaudes, dans le sous-genre, immonde et répugnant. Puis, au fur et à mesure de ma lecture, l’écriture m’a étonné. Quelque chose de difficile à exprimer clairement mais il devenait évident que j’étais en présence d’un écrivain. Pour tenter de décrire ce style, disons qu’il y a des périphrases, rares dans ce type de romans où l’on va droit au but en général ; qu’on y déniche des mots rares (ichor, tabard…) ce qui est encore plus surprenant ou des tournures de phrases pas banales ici, (« Une clé chatouilla les gorges plaintives de la serrure et la porte s’ouvrit »)  ; le texte regorge de détails parfois superflus ou incongrus mais qui donnent un ton très original, et disons le franchement, très agréable à lire.

L’histoire banale dans ses grandes lignes, s’avère néanmoins plutôt bien foutue et sortant de l’ordinaire quand on entre dans les détails, dont le point mystérieux jusqu’à la fin concernant l’enlèvement des deux femmes – que je vous laisse découvrir. Les dialogues sortent du classique pour rester dans le style décrit précédemment, parfois bizarres ou naïfs, toujours intéressants vus sous l’angle littéraire.

Bien entendu je ne peux passer sous silence, les scènes musclées ou de violence. Mais là encore, S. Craig Zahler fait très fort ; si j’en parlais ici avec mes pauvres mots, elles pourraient vous faire vomir car je ne suis pas écrivain. Lui, les traite comme Tarentino dans ses films, excessives mais avec ce je ne sais quoi, flirtant avec l’humour (noir), du coup ça passe sans avoir à faire la grimace.

Bon vous m’avez compris, il s’agit d’un très bon roman qui doit tout au talent d’écriture de son auteur.  

 

« - Vous devez comprendre notre stratégie. – On vous fait confiance, dit Stevie. – Vous devez la connaitre parfaitement, répondit le tireur, au cas où je me ferais descendre. – D’accord, répondirent Stevie et Dolores. – Allons-y. Brent était certain d’être sur le point d’entendre les machinations du diable. – Instinctivement, dit Long Clay, l’homme a peur de la torture et de la défiguration davantage que de la mort. Il peut imaginer ce que c’est que d’être marqué au fer rouge, parce qu’il s’est déjà brûlé ; il peut imaginer à quoi ressemble d’être aveugle, parce qu’il s’est retrouvé dans une pièce obscure à trébucher sur les meubles ; et s’il a déjà ressenti une douleur dans ses parties intimes, il peut imaginer à quoi pourrait ressembler d’être castré. La mort est très différente pour lui, parce que c’est une inconnue. »

 

 S. Craig Zahler S. Craig Zahler Les Spectres de la terre brisée Gallmeister – 392 pages –

Traduit de l’américain par Janique Jouin-de Laurens